Contact us: info@legacity.eu

EU Law

Sanctions pénales nationales édictées en exécution d'un Règlement- Exigence de proportionnalité - Contrôle par la Cour de justice

Le Règlement (CE) n°1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté (JO 2005, L 309, p 9 -ci-après "le Règlement") a institué un système de contrôle de l’argent liquide entrant ou sortant de la Communauté.

Voué à compléter les "mécanismes communautaires de contrôle des transactions effectuées à travers des établissements de crédit, des institutions financières et certaines professions, afin de prévenir le blanchiment de capitaux", ce système est axé sur la déclaration obligatoire de tout mouvement d'argent liquide égal ou supérieur à 10.000 €, à l'entrée ou à la sortie du territoire de l'Union. L'adoption de dispositions communautaires a procédé, ainsi que l'indique le Règlement, du constat que "les différences entre les législations sont préjudiciables au bon fonctionnement du marché intérieur" et qu'il y a "lieu d’harmoniser les éléments fondamentaux, au niveau communautaire, afin d’assurer un niveau de contrôle équivalent des mouvements d’argent liquide franchissant les frontières de la Communauté". 

Le principe de la déclaration obligatoire doit permettre, selon le préambule du Règlement, "aux autorités douanières de collecter des informations sur de tels mouvements d’argent liquide et, le cas échéant, de les transmettre à d’autres autorités".

Le Règlement prévoit qu'en cas de non–respect de l’obligation de déclaration, l’argent liquide peut être retenu par décision administrative, conformément aux conditions fixées par la législation nationale. Il prévoit également que "chaque État membre introduit des sanctions applicables en cas de non-exécution de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3. Ces sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives" (article 9, §1er du Règlement). Enfin, il déclare observer, comme tous les actes du droit communautaire, la Charte des droits fondamentaux.

Dans un précédent arrêt, la CJUE avait déjà décidé que, conformément à ses considérants 2, 5 et 6, le Règlement "vise à prévenir, à dissuader et à éviter l’introduction du produit d’activités illicites dans le système financier ainsi que l’investissement de ce produit une fois blanchi par la mise en place, notamment, d’un principe de déclaration obligatoire de tels mouvements permettant de collecter des informations sur ceux–ci" (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 18). Dans ce même arrêt, elle avait considéré que l'obligation de déclaration doit "permettre aux autorités compétentes d’effectuer les contrôles et les vérifications nécessaires relatifs à la provenance de cet argent liquide, à l’usage qu’il est prévu d’en faire et à la destination de celui–ci" (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 33). Enfin, elle avait énoncé qu'"en l’absence d’harmonisation de la législation de l’Union dans le domaine des sanctions applicables en cas d’inobservation des conditions prévues par un régime institué par cette législation, les États membres sont compétents pour choisir les sanctions qui leur semblent appropriées. Ils sont toutefois tenus d’exercer leur compétence dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux et, par conséquent, dans le respect du principe de proportionnalité" (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 21 et jurisprudence citée). Aussi la rigueur des sanctions doit-elle être "en adéquation avec la gravité des violations qu’elles répriment, notamment en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant le principe général de proportionnalité" (arrêt du 16 juillet 2015, Chmielewski, C‑255/14, EU:C:2015:475, point 23 et jurisprudence citée).

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour a considéré, dans un arrêt du 12 juillet 2018, que l'article 9 du Règlement devait être interprété en ce sens qu'il "s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal (en l'occurence, il s'agissait de dispositions du droit bulgare), qui, pour sanctionner une violation de l’obligation de déclaration prévue à l’article 3 de ce règlement, prévoit, d’une part, une mesure de confiscation au profit de l’État de la somme non déclarée et, d’autre part, une sanction privative de liberté pouvant aller jusqu’à six ans ou une amende fixée au double du montant de l’objet de l’infraction".

Cet arrêt est l'occasion d'un rappel utile: toute sanction de nature pénale doit satisfaire à la condition de proportionnalité, et cette exigence transversale n'est pas tant inhérente à la sanction prononcée in concreto par le juge qu'à celle énoncée in abstracto par le texte légal. 

 

Olivier Creplet 

x
Nous utilisons des cookies de session pour permettre le bon fonctionnement de nos services en ligne. Nous n’utilisons pas d’autres cookies. En savoir plus. Continuer vers le site